Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Enfin bon bref, la vie quoi !
24 novembre 2011

L'incipit...

22112011242

Mardi matin, Anne est allée à son atelier d'écriture...

22112011243

Après un petit café - lecture du journal... au boulot !

 

Continuez cet incipit : « Sur les bords du fleuve il y avait des saules et des arbustes et des maisons avec des roues de moulin »... vous avez 40 minutes...

 

Sur les bords du fleuve il y avait des saules et des arbustes et des maisons avec des roues de moulin pensa-t-il. Le passage d’une péniche lourdement chargée de gravas capta son attention un instant. Revenant à lui, Raphaël se dit « C’est incroyable à quel point je me sens paisible ». Cette sensation est nouvelle pour lui. Dans son enfance lointaine peut être avait-il déjà connu cela.. il ne saurait dire. Les quarante années passées à gagner sa vie semblent avoir effacé sa mémoire. Et il les a bien laissé faire…

Les années autour de sa trentaine encore, il peut aisément les évoquer une à une : la fin des longues études, le boulot décroché brillamment, la rencontre avec sa future femme Christelle, l’achat du pavillon en bord de seine puis l’arrivée programmée des enfants. Il se rappelle très bien avoir pleinement profité de tout cela, d’une sensation de bonheur.

Les années autour de sa quarantaine sont déjà plus floues, plus embrouillées : son recrutement par des chasseurs de têtes, les responsabilités qui s’additionnent rapidement au sein de cette nouvelle société, les problèmes de couples qui suivent immanquablement les premières années idylliques et qui augmentent en même temps que la durée de travail quotidienne, les enfants qui grandissent tant qu’un beau matin il les découvre adolescents... Il avait bien noté déjà à cette époque la place envahissante que son boulot prenait, petit à petit, insidieusement. Mais il pensait sûr de lui « Je gère ! ».

Autour de la cinquantaine, c’est le brouillard le plus épais : les années ne sont plus discernables du tout. Elles forment une seule et même « période ». Un temps où il est à l’apogée de sa carrière, professionnellement comblé… avec évidemment l’énorme stress qui l’accompagne. Heureux ? Malheureux ? Il ne saurait le dire. Le départ de sa femme fut pour lui une simple formalité tant le lien était distendu. Depuis quelques années déjà, il avait contourné ce problème en côtoyant d’autres bras, d’autres lits. Le clash avec ses enfants fut plus douloureux. « Ces petits cons, lui faire ça à lui, après tout ce qu’il a fait pour eux ! ». Heureusement cette fatale dispute était survenue au moment où il accédait à la promotion ultime en devenant PDG et principal actionnaire de sa société. Grâce à l’obtention de ce poste, la pilule familiale lui parue plus douce à avaler.

Aujourd’hui, il est à la retraite et « profite enfin » comme on dit… tu parles ! Ce qu’il voulait lui, c’était rester à la barre, ne pas abandonner le navire si tôt ! Sa société, sa vie, son œuvre ! Ne pas quitter ce cocon protecteur, cet espace où il se sent indispensable, reconnu, respecté. Aucune envie d’affronter l’extérieur et l’ennui. Aucune envie d’être confronté au vide autour de lui, au vide en lui.

Il a toujours détesté les moments d’inaction. Les moments où inéluctablement son esprit vagabonde vers des limbes qu’il sait être dangereuses pour son équilibre. Et la retraite, qu’est-ce d’autre que cela ? Des jours entiers à lutter contre ses pensées, à les refouler, à les voir ressurgir et à leur enfoncer la tête de nouveau…

Rapidement Raphaël avait trouvé une activité bénévole qui puisse l’aider dans cette lutte quotidienne et épuisante. Et il avait replongé la tête la première dans l’action et le stress… jusqu’au clash.

Quand il y repense tout cela est d’une banalité effroyable. Quelle énorme leçon pour son intelligence, de s’être laissé surprendre par une telle évidence ! Cette crise cardiaque a été le seul moyen pour son corps de dire « stop, maintenant ça suffit ». Et Raphaël a bien entendu le message cette fois-ci.

Alors il s’est pris en main.. bien obligé. Enfin, il s’est occupé de lui-même. Et aujourd’hui, quatre ans après, assis sur son banc au bord du fleuve il dresse un bilan plutôt positif. Ses efforts commencent à porter leurs fruits : l’inaction n’est plus un fardeau, il en découvre toutes les subtilités. Sa santé est de nouveau bonne et il fait ce qu'il faut pour qu’elle le reste. Il a revu récemment ses enfants et commence à renouer avec eux.

Assis face au fleuve Raphaël savoure ses acquis. Il redécouvre le monde autour de lui et se sent capable de se connecter aux éléments. Ce paysage, qui devrait lui être familier, il a l’impression de le découvrir. D’ailleurs, c’est la première fois qu’il s’assoit sur ce banc, devant son pavillon au bout du terrain. Il pose un regard neuf sur ce qui l’entoure et c’est avec des mots d’enfant qui formulent ses pensées d’adulte : « des saules et des arbustes et des maisons avec des roues de moulin »

Publicité
Publicité
Commentaires
S
Super ton travail ! <br /> Si j'étais prof de français je mettrais au moins 19 à ta copie !
Archives
Publicité
Publicité